Je commence
à publier sur ce blogue une série de commentaires féministes de la
Bible. Ma démarche se veut catholique. C'est à dire au service de
la communauté chrétienne. L'idéal aurait été que ces
commentaires soient le résultat d'un travail collectif, dans le
cadre d'un groupe de lecture biblique par exemple. Ma situation
personnelle précaire ne me permet pas d'initier ou d'intégrer un
tel groupe. Ces commentaires ne sont pas destinés à être et rester
l’œuvre d'une personne. Ils sont donnés à la lecture pour que
l'on s'en empare, critique, développe, etc. Leur publication sur ce
blogue est destiné justement à recueillir des commentaires, à
susciter des échanges. Nous verrons, si cela se produit, comment
continuer l'entreprise de faire une lecture complète de la Bible
selon un point de vue féministe. On pourrait modifier les
commentaires bibliques au fur et à mesure des messages qu'ils
susciteraient. On pourrait imaginer organiser un forum dont les
échanges seraient les préalables à la rédaction de futurs
commentaires bibliques. On pourrait évidemment imaginer organiser
ici ou là selon les possibilités matérielles et les volontés des
groupes de lecture féministes de la Bible.
Voici ma
liste des commentaires déjà publiés :
Pourquoi
faire un commentaire féministe de la Bible ? L'entreprise
pourrait sembler curieuse. D'une part beaucoup dans le mouvement
féministe considère la Bible comme une des bases idéologiques du
patriarcat. D'autre part, beaucoup au sein de l’Église sont
franchement hostile au féminisme. Ces deux positions, apparemment
antagoniques, sont pourtant d'accord sur un point. La Bible ne rime
pas avec féminisme. Je suis convaincu du contraire. La Bible peut
apporter des soutiens spirituels à celles et ceux qui sont engagés
dans des combats féministes, et elle a déjà inspiré nombre de
combats féministes, comme celui de l'abolitionnisme initiée par
Joséphine Butler. Réciproquement, des points de vue féministes
apportent des éclairages essentiels à la compréhension des textes
bibliques.
Il ne
s'agit pas pour autant de démontrer que la Bible serait féministe.
Ce serait anachronique et aussi ridicule que de tenter de démontrer
que la Bible est marxiste, libérale, ou même catholique. La Bible
est un ensemble de textes hétérogènes qui doit son unité à sa
réception par une communauté de fidèles, et même par des
communautés de fidèles. L'enjeu alors est d'illustrer comment la
Bible peut aussi être accueillie par une communauté féministe.
Elle peut l'être par une communauté chrétienne protestante
féministe ou par une communauté juive féministe. Etant de fait
catholique et féministe, je souhaite partager comment je l'accueille
avec ce point de vue.
Comment
faire des commentaires féministes de la Bible ?
D'abord
j'entreprends de faire une lecture suivie des évangiles. Une lecture
suivie pour ne pas être tenté de choisir tel passage plutôt qu'un
autre, ne pas faire une sorte de marcionisme féministe. Commencer
par les évangiles, parce qu'être chrétien, s'est être disciple du
Christ. Les évangiles sont quatre compte-rendus de la vie et de la
prédication de Jésus-Christ. Dans une perspective chrétienne, la
Bible entière est interprétée à la lumière des évangiles, et en
particulier à la lumière du mystère pascal. Cependant, la Bible,
rédigée en plusieurs étapes, se réfère à elle-même en
permanence. Elle est traversée par un réseau dense
d'intertextualité. Lire les évangiles, c'est lire des textes dont
les auteurs étaient des lecteurs de ce que l'on appelle l'Ancien
Testament, c'est donc une invitation permanente à se reporter à des
passages de « la Loi et des Prophètes ».
Qu'est-ce-qui
peut rendre une lecture de la Bible féministe ? Le fait d'être
féministe, c'est à dire de s'engager politiquement, spirituellement
et culturellement contre les injustices spécifiquement faites aux
femmes. Le système qui structure ces injustices s'appelle
patriarcat. Il faut distinguer féminisme essentialiste et féminisme
universaliste. Je prends immédiatement position pour un féminisme
universaliste. Le féminisme essentialiste reconnaît au patriarcat
qu'hommes et femmes se distinguent de par leur nature. Son combat se
résume alors à revendiquer une reconnaissance de l'égale dignité
entre nature masculine et nature féminine. Le féminisme
universaliste dénonce l'essentialisation des natures féminines et
masculines. L'humanité est une. Évidemment chaque individu est
différent. Évidemment chaque individu a un sexe. Mais tout aussi
évidemment chaque individu à une taille corporelle différente, une
couleur de peau différente, un timbre de voix différent, etc. Parmi
tout les critères de différentiation que l'on peut utiliser pour
distinguer entre êtres humains, le sexe n'est ni plus ni moins
pertinent que d'autres. Le féminisme universaliste constate que les
cultures patriarcales ont sur-valorisé la différence des sexes à
un tel point que les individus jouent un rôle qui correspond plus à
ce qui est attribué au sexe avec lequel ils s'identifient qu'au
développement libre des potentialités liées à leur corps au cours
de leur histoire. Cette situation, assortie d'une domination
masculine systématique, aboutit aux injustices et aux violences dont
souffrent les femmes dans une société patriarcale. Faire une
lecture féministe de la Bible, c'est donc se poser la question de la
place des femmes, et donc aussi celles des hommes. C'est appliquer le
concept de Genre à l'exégèse.
Comme déjà
dit, il ne s'agit pas de démontrer que la Bible est féministe. Nous
savons déjà que de nombreux textes bibliques heurteront une
conscience féministe. Mais une grande part de la misogynie que l'on
prête à la Bible est surtout le fait de la misogynie de ses
lecteurs et commentateurs qui font autorité jusqu'à aujourd'hui.
Quelques éléments qui balisent le texte biblique me font croire que
la foi en l'humain et en Dieu qui a inspiré la Bible suppose
forcément une vision universaliste de l'humanité. Dès le premier
récit de la création, l'auteur sacerdotal de la Genèse affirme «
Dieu créa l'humain à son image, à l'image de Dieu il le créa ;
mâle et femelle il les créa » (Gn 1,27). A l'autre bout de la
Bible chrétienne, Paul, que l'on sait être par ailleurs misogyne
dans ses textes disciplinaires, affirme « Il n'y a ni homme ni
femme. Car vous ne faîtes qu'un dans le Christ Jésus » (Ga
3,28). C'est pourquoi je m'avance avec confiance dans cette
entreprise, espérant que cela pourra aider d'autres à vivre leur
Foi, espérant pouvoir être rejoint par d'autres dans cette
entreprise.
Être féministe, c'est aussi interroger la langue par laquelle nous disons le monde. La langue française a intériorisé par bien des façons la domination masculine. Les milieux féministes résistent à ces marques linguistiques du patriarcat par diverses pratiques, qui souvent se limitent à la typographie. J'avais imaginé d'ajouter à la grammaire française un genre universel, pour rendre compte de toutes réalités qui sont autant féminine que masculine. Je propose ICI comment intégrer un genre universel à la langue française. J'utiliserai donc une langue française "universelle" dans mes commentaires.
Quelques
mots encore sur moi, pour situer mes commentaires. Je suis un homme.
Engagé dans le mouvement féministe, j'ai conscience que j'ai été
éduqué et socialisé comme un homme. J'ai grandi dans un
environnement catholique mais pas forcément fervent. J'ai
l'impression d'avoir refait le choix de la Foi au moment de ma
confirmation, vers 18 ans. Je me suis « converti » au
féminisme en m'engageant auprès des personnes prostituées au
Mouvement du nid. Cet engagement relevait pour moi dès le départ de
la « charité chrétienne », c'est à dire de l'amour
universel que l'on est invité à donner quand on est disciple du
Christ. On verra certainement dans mes commentaires combien la
question de la prostitution influence ma vision du féminisme et de
la Foi.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire.
RépondreSupprimerJ'en dis plus sur ma manière de lire les trois premiers chapitres de la Genèse dans cet article:
http://pourunfeminismecatholique.blogspot.fr/2013/07/joseph-lanti-adam-face-larbitraire-des.html
Je ne prétends pas que mon interprétation est la seule correcte. Je pense plutôt que la Bible rassemble des textes profondément polysémiques. En tout cas, on ne peut pas les utiliser pour justifier le machisme, ou le patriarcat.